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DÉCEMBRE 1999
Page 13 |
TROIS
LIVRES |
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Par NANCY DOLHEM
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SOUDAIN, les choses bougent au Maghreb. L'élection de M. Abdelaziz Bouteflika, en avril 1999, à la présidence de l'Algérie, le décès du roi Hassan II, en juillet 1999, après trente-huit ans de règne, l'avènement de son successeur, Mohammed VI, qui a immédiatement entrepris des réformes chaleureusement saluées par l'opinion publique marocaine et les médias internationaux, et l'approbation massive par les citoyens algériens, le 16 septembre 1999, de la « loi sur la concorde civile », entre autres, ont secoué une région aux prises avec de très graves problèmes sociaux et politiques et trop longtemps plongée dans l'immobilisme. Pour mieux comprendre ces problèmes, quelques ouvrages viennent de paraître qui soulignent combien le destin du Maghreb influence directement, ou indirectement, celui des pays du sud de l'Europe, et plus particulièrement l'Espagne, la France et l'Italie. Dans Les 100 Portes du Maghreb (1), l'universitaire Benjamin Stora et le journaliste Akram Ellyas étudient, selon le principe caractéristique de cette collection, une série de personnalités et de thèmes classés par ordre alphabétique - d'Abane Ramdane et Abassi Madani jusqu'à Tunisie et Youssoufi Abderrahmane - et proposent ainsi une sorte d'encyclopédie essentielle du Maghreb, ici circonscrit essentiellement aux trois principaux pays : le Maroc, l'Algérie, la Tunisie. La réussite de l'entreprise repose donc sur le choix des sujets, forcément limité, effectué par les auteurs, qui comptent parmi les meilleurs connaisseurs de la région. Ils nous proposent des thèmes historiques anciens (Jugurtha, Kahina, saint Augustin, invasions, Ibn Khaldun) ou contemporains (colonisation, guerre du Rif, guerre des sables algéro-marocaine, émeutes du pain en Tunisie en janvier 1984, crise algérienne 1992-1999) ; des biographies des grands acteurs du XXe siècle (Abdelkrim, Bouabid, Boumediène, Fanon, Bourguiba, Ben Bella, Mohammed V) ; des questions anthropologiques (Berbères, juifs, femmes, pieds-noirs, harkis), économiques (dette extérieure, émigration, corruption, tourisme) et politiques (alternance, armée, droits humains, islamisme, nationalisme, partis). A la fin de ce parcours, vivant, varié, original, le lecteur se retrouve en possession d'un savoir formidable, aisément acquis, et lui permettant de bien appréhender l'importance de cette région dans la géopolitique mondiale. On complétera fort utilement cette lecture en se reportant à l'ouvrage de Bruno Callies de Salies Le Maghreb en mutation (2). L'auteur y propose une analyse des Etats d'Afrique du Nord à partir de la fin des années 80. Il étudie, avec un sens pédagogique remarquable, les revendications économiques et sociales des populations de plus en plus nombreuses et de plus en plus urbaines, ainsi que les rapports entre les régimes et les oppositions représentant souvent ces masses. Callies de Salies suit tout particulièrement la crise que connaît l'Algérie depuis les émeutes d'octobre 1988 jusqu'à aujourd'hui ; analyse l'évolution de la Libye du colonel Kadhafi ; observe la dérive autoritaire du régime du président Ben Ali en Tunisie, mais aussi ses réussites économiques ; il examine enfin les mécanismes ayant permis l'alternance politique au Maroc. CONCERNANT ce pays, sur lequel se portent tous les regards à l'heure où le nouveau monarque, Mohammed VI, multiplie les gestes de réconciliation et de changement, on lira aussi le livre de Liliane Dayot (avec la collaboration de Frédéric Lasaygues), Maroc, amnésie internationale (3), écrit avant le décès du roi Hassan II, avec la louable intention de rappeler que, malgré l'alternance, le royaume chérifien reste le pays de l'arbitraire et des inégalités. A l'aide de photographies fort expressives, les auteurs soulignent que, même si la volonté du nouveau monarque demeurait de vouloir changer les choses, les intérêts en jeu sont tels qu'il faudra s'attendre à des résistances considérables de la part des féodaux, des grands bourgeois et de tous ceux qui, depuis des décennies, ont profité de la corruption et des abus. Mais les changements sont inévitables dans l'ensemble du Maghreb en matière de démocratie, de justice sociale, d'égalité économique et de progrès culturel. S'ils tardaient à se produire, « alors viendrait, comme le dit Gilles Perrault, le temps des prophètes du malheur ». |
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(1) Benjamin Stora et Akram Ellyas, Les 100 Portes du Maghreb, l'Algérie, le Maroc, la Tunisie, trois voies singulières pour allier Islam et modernité, Editions de L'Atelier, coll. « Points d'appui », Paris, 1999, 304 pages, 135 F. (2) Bruno Callies de Salies, Le Maghreb en mutation. Entre tradition et modernité (préface de Paul Balta), Maisonneuve et Larose, Paris, 1999, 256 pages, 140 F. (3) Liliane Dayot, avec la collaboration de Frédéric Lasaygues, Maroc,
amnésie internationale (préface de Gilles Perrault), Editions Paris- Méditerranée,
1999, 178 pages, 230 F. |
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