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LA DEVALUATION DU FRANC CFA

AVIS DE L'OPCF

Références bibliographiques: Observatoire Permanent de la Coopération Française (OPCF). 1995.
Rapport 1995. Paris: Desclée de Brouwer
Pour commander le rapport complet: http://procure.edi.fr/

La décision de dévaluer le Franc CFA le 11 janvier 1994 a été brutale et perçue comme telle en Afrique. Il s’agit d’un tournant majeur dans la politique française de coopération.

Depuis le milieu des années quatre-vingt, la situation économique et financière des États de la zone franc se dégradait avec persistance : déficits accrus des balances des paiements, des budgets des États, dégradation des termes de l’échange. L’environnement régional et international des pays africains de la zone franc était marqué par une série de dévaluations compétitives, une politique du “franc fort” et une dépréciation du dollar américain ; l’ajustement à la baisse de la valeur réelle du franc CFA devenait inévitable. Par-delà des raisons de fond, la fuite des capitaux s’amplifiait, la zone franc coûtait de plus en plus cher à la France.

Malheureusement, cette décision qui a un fondement réel, souvent demandée depuis plus de dix ans par bon nombre d’observateurs, n’a pas fait l’objet d’un mûrissement au sein de l’appareil français de coopération. Le sujet était tabou, ne pas en parler la règle ! cette décision n’a pas été préparée.

Après une année, quels constats peut-on raisonnablement dresser ?

“Raisonnablement”, car si le discours officiel indique des résultats plutôt encourageants ou meilleurs que ceux envisagés—concernant la hausse des prix notamment, force est de constater que l’on peut dire aujourd’hui... une chose et son contraire ! Beaucoup d’informations sont trop partielles pour être significatives, les indices de prix sont mauvais, la situation des populations les plus défavorisées mal suivie. La dévaluation bouleverse les niveaux de prix, la répartition des revenus, les attitudes des producteurs, des entrepreneurs, des consommateurs. Que sait-on ? Que savent réellement tous ces acteurs ? Ces bouleversements n’ont d’ailleurs pas fini de se manifester, et des adaptations à la nouvelle donne seront mises en oeuvre à partir de 1995 seulement (notamment par les producteurs agricoles).

Il est par contre certain que plusieurs filières d’exportation (café, cacao, coton) ont bénéficié en 1994 à la fois de la hausse conjoncturelle des cours mondiaux de ces produits et de la dévaluation du franc CFA. Ces filières dégagent aujourd’hui ainsi des excédents financiers qui profitent davantage aux Etats que directement aux producteurs. Il paraît donc impératif de les redistribuer et de les orienter, au moins en partie, vers des investissements productifs. Quant aux productions céréalières locales, elles ont vu leurs prix rester stables, leur progression en volume s’expliquant principalement par les conditions pluviométriques particulièrement favorables dont ont bénéficié la majeure partie des pays de la zone franc au cours des deux dernières campagnes.

La réussite d’une dévaluation tient essentiellement aux mesures d’accompagnement qui sont prises, tant par les Etats africains que par les bailleurs de fonds. Ces mesures doivent garantir la stabilisation de l’environnement économique et créer les conditions par une reprise de l’investissement intérieur. Dans ce nouveau contexte monétaire, y-a-t-il des politiques de coopération originales ?

Tout d’abord, des mesures d’annulation de dettes et de soutiens aux budgets des Etats ont effectivement été prises, avec une intensité différente selon les pays africains. Des mesures sociales ont aussi été prises, mais d’une ampleur nettement moindre ; quant aux mesures d’accompagnement permettant de relancer l’investissement, de mettre en place des projets réellement novateurs, elles sont quasi inexistantes. Les besoins des populations sont énormes ; ne peuvent-ils être satisfaits par des productions locales qui sont maintenant protégées du fait de la dévaluation ? A-t-on réellement cherché, dans les différents secteurs, toutes les opportunités d’activité ?

Au-delà de ses effets immédiats au bénéfice des secteurs agro-exportateurs, la dévaluation de janvier 1994 peut offrir une chance unique de relance durable de la production pour le marché intérieur, dans le cadre d’une redynamisation des échanges intrarégionaux (céréales, bétail, artisanat et petite industrie de biens de consommation...). Or, si l’intégration régionale est considérée comme un objectif prioritaire par la coopération française, celle-ci est encore perçue comme étant un montage uniquement “zone franc”. Pourquoi n’y-a-t-il pas adéquation entre intégration politique et réalité des échanges qui se font avec les autres pays africains situés en dehors de la zone franc, et plus généralement, en dehors du ”champ” d’intervention de la coopération ?

L’Observatoire permanent de la Coopération française émet les recommandations suivantes.

Celles-ci tiennent compte de la possibilité d’un échec de la dévaluation du franc CFA. Cet échec se traduirait au plan monétaire par de nouvelles dévaluations, au plan économique par un nouveau recul de la consommation et des investissements privés et la poursuite de la fuite des capitaux, au plan social par l’accroissement de la pauvreté des paysans, du secteur informel urbain, et des salariés.

  • 1. Au plan monétaire, la stabilité du franc CFA étant mise en cause, il faudrait savoir quelles options sont envisagées : maintenir les institutions actuelles de la zone franc ? Les aménager ? Les supprimer ? Mettre en place des relations privilégiées entre zone franc et pays voisins ? Ces questions essentielles sont à discuter avec les Etats intéressés.
  • 2. Pour pallier les risques d’une dévaluation récessive, les aides financières devraient favoriser les investissements productifs qui seraient soutenus ou réalisés par la dépense publique des Etats. L’appui au secteur privé, entrepreneurs et producteurs agricoles, pourrait passer par un renforcement des dispositifs et programmes qui visent à leur donner un accès plus large aux outils favorisant une meilleure intégration au marché (centres de services, formation, consolidation des organisations professionnelles, systèmes financiers...).
  • 3. Pour améliorer l’efficacité des décisions des différentes catégories d’agents de l’économie, la coopération française pourrait également contribuer au renforcement de la qualité et de la transparence de l’information : en termes de champs couverts par les dispositifs existants (combinaison des niveaux macro et micro, indicateurs de production mais aussi de niveaux de vie...), mais surtout en rendant cette information disponible auprès des différents acteurs concernés, en particulier les organisations paysannes.

Mise à jour: 2 janvier 1997

Ces pages ont été développées à l'aide du programme Netscape. Veuillez adresser vos observations à Peter Ballantyne, ECDPM