BERCY-BRETTON WOODS: LE POIDS DU MINISTERE DES FINANCES
DANS L'APD DE LA FRANCE ET LES LIENS AVEC LE F.M.I..
AVIS DE L'OPCF
Références bibliographiques: Observatoire Permanent de la
Coopération Française (OPCF). 1996.
Rapport 1996. Paris: Desclée de Brouwer
La part prépondérante (environ 60 %) de l'aide publique au développement (APD)
française directement gérée par la ministère de l'Économie et des Finances est
soulignée par l'ensemble des observateurs. Toutefois, quasiment aucune étude n'a
spécifiquement analysé le rôle, les fonctions, les orientations et l'influence du
ministère des Finances, et en particulier de la direction du Trésor, dans la politique
de coopération et d'aide au développement pratiquée par la France.
Il est frappant de noter que dans la succession des rapports officiels traitant de la
réforme du système de coopération (rapports Hessel, Michailof, Fuchs, pour ne citer que
les plus récents), les propositions abondent en ce qui concerne le ministère de la
Coopération et celui des Affaires étrangères, ainsi que la caisse française de
développement (CFD) mais que le problème du ministère des Finances est éloquemment
passé sous silence. Il en va à peu près de même pour les études non officielles.
Aussi est-il apparu important d'examiner, au sein de la « nébuleuse de l'APD
française », la place qu'y tient « la galaxie Bercy » . Il ne s'agit que d'une
première reconnaissance compte tenu de la difficulté de pénétrer la complexité, la
confidentialité et l'esprit de corps des Finances.
Le rôle de Bercy va bien au-delà de l'établissement, du contrôle , et des
modifications en cours d'exercice , des divers budgets concourant à l'enveloppe
financière pour l'APD.
C'est ainsi que les Finances (et particulièrement le Trésor) ont de fait la maîtrise
sur :
- les prêts et les dons (protocole du Trésor) ainsi que sur les remises de dette, sur
les subventions budgétaires et sur les aides à l'ajustement structurel (transitant en
grande partie par le CFD);
- le contrôle de la zone franc (comptes d'opération et Banques centrales de l'Afrique de
l'Ouest, de l'Afrique centrale et des Comores) ;
- la direction du « Club de Paris » (renégociations de la dette publique)
- la représentation de la France dans les institutions de Bretton Woods ( F.M.I. et BM )
, auprès de l'Union européenne ( F.E.D. ) et de l'OCDE ( CAD ) ;
- en outre, le ministère des Finances a une voix décisive dans le Conseil de
surveillance de la CFD ainsi que dans le Comité du FAC (Fonds d'aide et de coopération)
et, en conséquence, influence fortement les orientations et les décisions de la Caisse
française comme du ministère de la Coopération.
A travers ces mécanismes le ministère des Finances contrôle de fait l'ensemble de
l'APD de la France et est le seul à connaître l'ensemble de l'action d'aide et de
coopération, qu'il s'agisse du champ ou du hors champ, du bilatéral ou du multilatéral.
Le ministère de la Coopération véritable se situe de fait non rue Monsieur mais à
Bercy. D'autant plus que ce sont souvent des hommes de Finances (inspection et/ou Trésor)
qui occupent des postes clés tant à le CFD qu'au ministère de la Coopération
(Direction du Développement) , sans oublier que trois anciens directeurs du Trésor on
été à la tête du F.M.I. dont M. Camdessus présentement. Au sein de la nébuleuse de
l'APD française se trouve ainsi un « réseau » d'hommes ayant la même expérience, la
même langage ainsi que des priorités communes en matière de développement.
Si c'est la main invisible des Finances qui, en dernière analyse, détermine et
conduit pour une très large part la politique française d'aide et de coopération, il
faut alors s'interroger : quelle vision guide cette main ? Force est de constater que
cette vision est largement absente. En effet la formation et la vocation des financiers
est d'assurer une bonne gestion des finances et les grands équilibres macro-économiques.
Ils n'ont pas pour mission de penser et d'intégrer les complexités du Développement.
Ils sont les gardiens de l'orthodoxie et souvent les interprètes d'une conception
classique de la loi du marché. En l'absence d'une vision, d'une stratégie et d'une
politique cohérentes et déterminées du gouvernement (qu'il soit de droite ou de
gauche), Bercy s'en remet de fait aux orientations des institutions de Bretton Woods et
particulièrement du F.M.I., et s'aligne sur le credo de l'ajustement structurel.
Face à cette situation, l'OPCF propose:
- que soit incluse systématiquement l'analyse du rôle et des fonctions exercés par le
ministère des Finances dans toute réflexion sur l'aide au développement de la France et
sur la réforme de son système de coopération ;
- que soit entreprise, tant au niveau des instances officielles et parlementaires qu'au
travers des groupes de recherche de la société civile, une réflexion systématique sur
les exigences du développement et sur les interactions entre la sphère
économico-financière d'une part et la sphère sociopolitique et culturelle d'autre part,
l'une et l'autre étant indispensables à la formulation et à la pratique d'une
stratégie cohérente et viable de la coopération (tant bilatérale que multilatérale) ;
- que soit menées, en particulier, une analyse et une évaluation des concepts et de la
mise en oeuvre de l'ajustement structurel, pour permettre une contribution conceptuelle et
méthodologique de la France tant aux instances communautaires européennes qu'aux
institutions de Bretton Woods ;
- que soit défini et restitué le rôle du ministère des Finances dans le cadre d'une
stratégie et d'une politique françaises de coopération à la hauteur des défis du
développement.
Mise à jour: 2 janvier 1997
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